A l'école, Louan apprend à poser et à résoudre des additions en colonne.
Au début, le maître utilisait du matériel concret et tout allait bien. Mais sans le matériel, Louan était perdu. En Montessori, le passage à l'abstraction se fait par étapes. J'ai donc proposé à Louan qui s'énervait sur ses devoirs de travailler ensemble pour qu'il puisse le faire sans matériel. Le plus difficile fut de faire accepter à Louan d'utiliser le matériel ( car le maître veut qu'on fasse sans). Oui mais pour faire sans, il faut passer par de nouveaux matériels, c'est ce qui va te permettre de faire sans rien.
A la maison, Louan manipule depuis longtemps le matériel concret. A peu de choses près, il a le même matériel à l'école pour représenter concrètement les unités, les 10, les 100. Au début, le maître lui permettait de dessiner pour se représenter le matériel. Mais désormais, il ne doit plus faire qu'avec les chiffres.
Pour l'aider à faire son chemin vers l'abstraction, je présente à Louan un premier matériel :
Le jeu des timbres
Ce matériel est constitué de petits carrés de couleurs ( vert, bleu ou rouge) sur lesquels sont écrits 1, 10, 100 ou 1 000. On peut les fabriquer soi-même avec du papier. Je l'ai acheté au début, du temps où j'ignorais que plein de matériel pouvait très facilement se fabriquer.
Pré-requis : l'enfant sait former les nombres avec le matériel concret ( ou les perles dorées) et les associer à leur forme écrite ( cartes des nombres)
Remarque : je n'emploie pas directement les 1 000 pour respecter le travail de l'école ( 1000 n'a pas été vu à l'école) mais dans la pédagogie montessori, on l'emploie tout de suite.
1ère étape : former les nombres avec les timbres
Le guide écrit un chiffre sur un papier ou une ardoise. Il désigne les unités. Dit "3". Prend 3 timbres "unités" et les pose en dessous. Idem avec les 10 et les 100.
Puis il propose à l'enfant de faire.
Nous passons très vite, Louan a compris. Il s'impatientait déjà pendant la présentation.
2ème étape : l'addition sans retenue
Le guide écrit une addition. Il montre le premier chiffre sur l'ardoise. Il pose les timbres correspondants. Il montre le signe + sur l'ardoise, il prend le signe +, le pose , montre le deuxième chiffre sur l'ardoise puis forme le deuxième chiffre avec les timbres. Il prend une règle en bois et la pose sous les timbres.
Il dit : " on vérifie". Il lit le premier chiffre sur l'ardoise ( deux cents), compte les timbres 100 lit trente, dit c'est trois 10, compte les timbres etc....
Maintenant, on va mettre ensemble les unités. Il les regroupe, les compte et les mets sous la règle. Il écrit le résultat sur l'ardoise ( à la même place que les timbres, c'est à dire sous le trait et sous les unités).
Idem pour les 10, les 100 ( et les 1 000)
Il lit l'ardoise : 234 +523 = 757
Il propose à l'enfant de faire d'autres additions sans retenue avec les timbres. Là encore nous sommes passés très vite, Louan étant très à l'aise ( et impatient de pouvoir faire sans matériel).
3ème étape : addition avec retenue
Le guide demande à l'enfant de poser l'addition avec les timbres. Il demande à l'enfant de regrouper les unités par 10. On compte les timbres des unités.
3+8 = 11 Onze c'est 10 +1 . Nous allons échanger 10 unités contre 1 timbre de 10.
On place le timbre de 10 au-dessus de la colonne des 10. Il ne faut surtout pas l'oublier. C'est pour cela qu'on l'appelle une retenue ! Ce qui reste dans les unités, on le met sous la règle. Il reste 1.On écrit 1 sur l'ardoise sous les unités et on représente aussi la retenue ( 1 = 1 timbre de 10)
On fait de même pour les 10, les 100 ( et les 1 000).
On propose à l'enfant de faire des additions, d'abord avec une retenue , puis avec deux.
Louan a du beaucoup manipulé. Il faisait les mêmes erreurs qu'à l'écrit sans le matériel. Avec le matériel seul, le concept était compris, mais la transcription sur l'ardoise était difficile. Mais à force de faire, il a compris qu'il fallait noté toutes les étapes sur l'ardoise ( ce qui reste, les retenues)
Quand il a été à l'aise, je lui ai proposé un autre matériel :
Le petit boulier
Ce matériel est la dernière étape vers l'abstraction. On retrouve le même code couleur que sur les timbres ( ou sur les cartes des nombres qui permettent à l'enfant d'écrire les nombres qu'il forme avec le matériel concret grâce à un petit tour de prestidigitation : la glisse magique).
1ère étape : apprendre à former les nombres
Faire remarquer à l'enfant qu'il y a 4 rangées. Inviter l'enfant à compter les perles sur chaque rangée.
Montrer à l'enfant que les perles sont à gauche. En déplacer une sur la droite et compter 1. En déplacer une seconde et dire deux.etc.... Dire chaque perle à droite représente 1.
Avec l'enfant, revoir ensuite le matériel concret ( compter de 1 à 10 unités, procéder à l'échange des 10 unités contre une barre de 10, compter de de 1 dix à 10 dix,procéder à l'échange des 10 barres de 10 contre un carré de cent, compter jusqu' à 10 cents, échanger contre 1 mille)
Placer le matériel à gauche du boulier.
Prendre une unité. Déplacer une unité de la gauche vers la droite sur la première rangée ( perle verte) Prendre une deuxième unité. Déplacer une autre perle verte de la gauche vers la droite sur le boulier etc ....jusqu'à 9.
Placer la 10ème unité sur le tapis et procéder à l'échange avec une barre de 10.
Faire glisser la 10ème perle verte vers la droite. Montrer une perle bleue ( 2ème rang). Dire une perle bleue est égale à 10 perles vertes ( comme 10 unités sont égales à 1 barre de 10). Faire alors glisser les perles vertes vers la gauche et 1 perle bleue vers la droite.
Continuer de la même manière avec les barres de 10 et les perles bleues puis avec les perles rouges et les carrés de cents jusqu'à 1000.
Inviter l'enfant à créer un nombre avec le matériel concret et à représenter le même sur le boulier. En créer 5.
Inviter l'enfant à trouver le plus grand nombre qui puisse être créer avec le boulier .
Variantes :
Avec les timbres, creer un nombre et le représenter sur le boulier. Refaire l'exercice plusieurs fois.
Extensions : créer un boulier avec des brochettes, des perles et de la pâte à modeler durcissante.
Parler du boulier et de son utilisation en Chine par exemple.
2ème étape : le papier de notation
Le guide montre la première rangée trace un trait vert . Il fait glisser une perle verte et dit une unité. Il écrit 1 sur le trait.
Le guide montre le deuxième rang du boulier ( perles bleues). Trace un trait bleu sur le papier. Fait glisser une perle bleue à droite. Dit " 1 dix". Ecrit 1 sur la ligne bleue.
De même pour les cent.
et pour les mille.
Il procède à une leçon à trois temps (1 : le guide montre et nomme chaque trait ; 2 le guide demande à l'enfant montre moi le trait des unités,des 10, des 100, des 1 000, dans l'ordre puis dans le désordre ; 3 le guide demande à l'enfant : qu'est-ce que c'est ?)
Enfin, il propose à l'enfant d'écrire 5 chiffres sur le papier et de les former sur le boulier.
3ème étape :Le boulier : additions sans retenue
L'enfant lit l'addition écrite sur le billet en ligne puis pose l'addition en colonnes sur le papier. Pour poser correctement son addition, il décompose le nombre ( 436 c'est 4 cents, j'écris 4 sur la ligne des cents, 3 10 donc j'écris 3 sur la ligne des 10, 6 unités donc j'écris 6 sur la ligne des unités....) Cette opération, il la faisait avec les timbres, désormais, il la fait dans sa tête en disposant les chiffres sur les traits de couleur.
Ensuite, il forme sur le boulier le premier chiffre.
Puis il regarde sur le papier la ligne des unités pour voir combien il doit en ajouter ( 3). Il fait glisser 3 perles de la droite vers la gauche sur le boulier. Il compte toutes les perles et reporte le résultat sur la ligne des unités (9).
Il fait de même pour les dizaines et les centaines.
Il lit le résultat obtenu sur le papier.
Il fait plusieurs additions.
Là j'ai assisté à une boulimie d'additions de la part de Louan. J'avais prévu 5 billets avec des additions écrites dessus en ligne, j'en ai créé 10 autres sur demande.
Puis nous sommes passés à l'étape suivante.
4ème étape : addition avec retenue
L'enfant pose l'addition lue sur le billet sur le papier ( comme précédemment).
Il forme le premier chiffre sur le boulier.
Il fait glisser les unités à additionner. Quand il obtient 10, il échange avec une perle de 10 qu'il fait glisser.
3 + 8 = 11. Je ne peux mettre 11 perles sur la première rangée. Je met 10 perles, j'échange contre un 10 ( je fais glisser une perle de 10 vers la droite, je fais glisser toutes mes perles vertes à gauche, et je fais glisser de nouveau une perle verte vers la droite pour obtenir 11).
J'écris le résultat de la ligne verte, sans oublier de noter la perle bleue que j'ai échangée sur le papier (retenue) .
Idem pour les dizaines, les centaines et éventuellement les 1000 ( comme pour les timbres, je n'ai pas mis de 1 000 pour suivre la progression de l'école, mais en Montessori, on les utilise de suite)
Et on lit le résultat sur le papier.
Là encore, Louan a été pris de frénésie d'additions ( mais cette fois j'avais prévu le coup)
Puis il a fait les additions données par le maître ( à 3 et 4 chiffres par exemple 354+238+122 ) sur son cahier de brouillon ( donc sans les lignes de couleur). Il a ensuite vérifié le résultat avec le boulier.
Il m'a fait un grand sourire : " t'as vu, c'est trop d'la balle, j'y arrive sans le matériel".
Je n'ai pas osé relevé le langage. J'ai souris en lui répondant : tu as l'air d'être fier de toi.
Sauf pour celle à 4 chiffres, qu'il a préféré faire directement avec le boulier ( elle est trop dure celle-là maman)
Tout ce travail s'est effectué sur deux semaines et a "accompagné" les devoirs ( additions) donnés par le maître. Le matériel lui a servi de béquilles et a évité les pleurs auxquels j'ai assisté lors de la première addition en colonne donnée à faire en devoir du soir.
Avec ce même matériel, on peut travailler les 4 opérations ( + - X /).